Compte rendu UTMB 2021

 

UTMB

Vendredi 27 Août 2021, 17h30, place du Triangle de l’amitié à Chamonix.

J’y suis enfin !  Enfin car depuis 2018, date à laquelle j’ai pris la décision avec les copains de participer à cette course mythique et mondialement connue dans le monde du trail, j’ai tout organisé pour pouvoir y participer.

Effectivement, avant de pouvoir vous inscrire à l’UTMB sur l’ultra trail, il faut justifier d’être finisher de deux courses référentes, généralement supérieur à 110 km et avec plus de 5000 m de D+/- dans les temps impartis par l’organisation. Inutile de vous dire que quand on habite la Charente Maritime, un week end ne suffit pas entre le déplacement, le temps de faire la course et le temps de revenir. C’est donc la plupart du temps pendant les vacances où les weekends fériés que l’on programme cela. Personnellement, je trouve cela plutôt contraignant.

Une fois vos deux courses référentes effectuées (de nombreuses courses ne sont pas référentes, il faut consulter un listing établi par l’organisation de l’UTMB) il faut vous inscrire pour l’UTMB. Quelques mois plus tard, vous serez si vous êtes tirés au sort, sinon il faudra recommencer vos courses référentes et votre inscription l’année suivante avec un coef 2, et en cas de tirage au sort négatif, comme cela a été le cas pour notre groupe (nous étions 5 inscrits sur l’UTMB de la TEAM TRAIL 17), il faudra refaire cela une dernière fois pour être sûr de prendre le départ! Attention donc, lorsque vous prenez la décision de vous inscrire à savoir dans quoi vous mettez les pieds.

Personnellement, après avoir pris la décision en 2018 de participer à l’UTMB, j’ai été refusé en 2019, puis 2020 et enfin accepté pour 2021.

Autre chose à prendre en ligne de compte, le prix de l’inscription. 290 e ! C’est une sacrée somme par rapport à certains ultras, presque le double, cela en vaut-il la peine ? Je vous parlerai de mon ressenti dans ce compte rendu.

Mes objectifs étaient les suivants :

N°1 : Etre finisher de cet ultra

N° 2 : Boucler cette course en moins de 40h et sans bâtons. L’arche est gigantesque et magnifique, à cause du covid, une première vague élite et meilleur amateur (Yohan, en fait partie) est partie 30’ avant nous. Je suis donc dans le 2ème sas, avec Yo mon partenaire d’entrainement. Il est 17h30. Nicolas et Benoit sont dans le 3ème et dernier sas qui partira 30’ après nous. Le placement dans les sas a été déterminé par rapport à notre côte ITRA.

La barrière horaire a été calé sur le dernier sas, car mathématiquement, c’est eux qui devraient le plus lutter avec ces dernières pour être finisher. Cela ne reste que théorique, car en réalité, l'ultra trail n’est pas une science exacte !

Ludovic Collet est au micro, ainsi qu’une traductrice pour transcrire tout cela en Anglais afin de contenter les 88 nationalités présentes au départ. Il est vraiment doué, il fait « monter la sauce » comme à son habitude. Un highliner est au-dessus de nous et joue à l’équilibriste…

Après quelques minutes à attendre, le départ est officiellement donné, on foule enfin le centre-ville de Chamonix. Le public est amassé le long des barrières installées qui guident notre parcours et les personnes nous ovationnent sous une ambiance de tour de France. C’est impressionnant ! Les 8 premiers km jusqu'aux Houches sont vraiment roulants et faciles techniquement. Seuls quelques petits faux plats montants nous préconisent la marche. Le poids du sac aussi d’ailleurs, car avec l’activation du kit grand froid dicté par l’organisation, les sacs à dos sont bien chargés ! Nous nous calons sur une allure facile.

Nous arrivons aux Houches avec Yohann, où le ravitaillement est simple et fluide.

Nous nous dirigeons maintenant vers Saint Gervais, une portion de 13 km nous attend avec une montée de 750 D+ et une descente de 970 D- La montée se passe bien, nous nous calons à notre allure ultra, surtout ne pas partir trop vite ! Déjà à ce moment-là, certains concurrents du sas n°3 nous doublent dans la montée en courant. C’est vraiment impressionnant de les voir progresser à cette vitesse. Peu après, un autre concurrent, pourtant nettement moins athlétique, se moque de nous avoir rattrapé. Comportement et mentalité étrange pour un traileur. Je n’ai malheureusement pas eu le temps de voir son numéro de dossard, mais sans connaître l’avenir, je doute vraiment à ce moment-là de ses chances de réussite. En passant au Delevret (Km 14, 2h15 de course), sommet de cette première ascension, nous attaquons la descente, sèche, droite dans le pentu. Ça tape dans les cuisses malgré mon application à « amortir » cette descente. Je remarque que les sentiers sont lissés, abîmés par les nombreux passages des coureurs. Une épaisse couche de poussière recouvre nos chaussures, les sentiers me semblent matraqués. Plus bas, la pente est plus douce et nous arrivons à Saint Gervais (km 21, 3h10 de course) sous une ambiance de feu. 

La prochaine section, longue de 10 km en direction des Contamines, s’apparente à un faux plat montant, alternant montée et descente. Soit 10 km et 600 de D+ pour environ 300 de D- Toujours rien de technique et de vraiment intéressant pour un parcours trail, en tout cas, c’est mon avis.

Nous arrivons aux Contamines au km 31 après 5h de course. Le ravitaillement en aller-retour est petit, exiguë et vraiment, très peu pratique ! C’est presque un combat pour arriver à se servir. Certains traileurs sont déjà assis, parfois avec la mine déconfite.

Nous repartons après avoir mangé ce que l’on a pu attraper pour la Balme. 8km à gravir et 530 D+ le chemin est large, cependant nous progressons dans la pierre.  Le bruit des bâtons est vraiment pénible et le peloton est toujours groupé. La nuit tombe et le froid aussi. L’organisation avait raison ! Nous nous équipons de notre veste gore tex. Yohann quant à lui, commence à avoir des problèmes gastriques. Nous doublons maintenant bon nombre de concurrents, certains sont entrain de vomir sur le bas-côté. Ça ne fait pas rêver. Yohann, n’est pas au mieux. Ses soucis gastriques(vieux cauchemar) qui lui pourrissent ses courses depuis plus d’un an maintenant, semblent être de retour. A un km de la Balme, alors que je ne change pas de rythme, il décroche sans que je ne m’en aperçoive. Je l’attends, il est très fatigué et me dit qu’il ne se sent pas de vouloir continuer pour enclencher un cycle qu’il connaît malheureusement trop bien, plus de salive, nausée, vomissement, plus de force et re-vomissement. Arrivée à La Balme, au km 40 après 7h05 de course (Samedi 00h37), il abandonnera, se rendant directement sous la tente médicale ou certains coureurs sont déjà allongés. Je suis tellement déçu pour lui, ses nausées ne lui laissent aucune chance de défendre ses chances, c’est injuste ! J’apprendrais peu de temps après que Nicolas, ayant pris le départ blessé, devra abandonner à Saint Gervais. J’essaie de me ravitailler sous cette tente exiguë où le « bénévole en chef » parle très fort et nous « ordonne » presque de faire très vite !

Peu de temps après, me voilà parti pour la longue montée en direction du col du Bonhomme et de sa descente vers les Chapieux. Une section de 11 km pour 800 D+ et 900 D- Enfin cette section ressemble à du trail, un chemin moins large, plus technique. En me retournant, je vois les concurrents derrière moi, certains me semblent loin, mais le cheminement des frontales est vraiment magnifique à voir, comme lors d’une descente aux flambeaux. En levant la tête, je devine aisément ce qui me sépare du sommet. Je passe au refuge de la croix du Bonhomme au km 45 après 8h45 de course. La descente vers les Chapieux (km 51, 9h25 de course) ne me pose pas de problème particulier.

Arrivée au Chapieux, on me conseille de bien remplir mes gourdes car le prochain ravitaillement ne va pas être proche. Effectivement, en regardant sur mon profil de course, je vois que j’ai prévu 17 km pour cette section avec une grande montée vers le col de la Seigne (env 950 D+) suivi d’une redescente avant d’attaquer le col des pyramides calcaires qui a la réputation  d’être technique et la redescente de 890 D- vers le Lac Combal.

La montée vers le col de la Seigne est longue mais régulière. Km 61, 12h de course. La petite redescente se passe bien, par contre, la montée vers les pyramides calcaires est plutôt technique. Même en montant, je me dois d’être prudent. Il fait nuit et froid, les appuis sont glissants parfois et honnêtement entre le froid et le sentiment d’être perdu au milieu de nul part, je n’ai vraiment pas envie de me faire une cheville ! Le sommet des pyramides calcaires est magnifique, majestueux. La lueur du jour commence à apparaître sur les hauteurs. Je me sens tout petit. La montagne me fait ressentir sa pleine puissance. La première partie de la descente vers le lac Combal est plutôt technique même si je me trouve plutôt à l’aise dans cette partie. J’arrive à distinguer facilement les parties où je dois courir et celle où il faut que je sois plus prudent sur mes appuis. Je double bon nombre de concurrents. La deuxième partie est plus roulante. Après plus de 68 km  de course, j’arrive au Lac Combal, il est 7h00 du matin, 13h30 de course. J’avais  éteint ma frontale déjà depuis quelque temps.

En repartant du ravitaillement, les jambes sont bonnes, j’en profite pour courir toute la partie roulante avant d’attaquer la partie montante vers l'arête du Mont Favre (450 D+). Le temps est magnifique. L’ascension se passe bien (km 72, 14h35 de course). Nous passons juste à côté d’une caravane de berger rustique au possible. Je gère la redescente vers Chercouit en me disant que je ne suis pas encore à mi-course (KM 77. 15h11 de course)  Je m’arrête rapidement pour avaler une petite assiette de pâtes, ils savent recevoir les Italiens ! Il y a des pâtes, du jambon et du parmesan ! Je crois que c’est le meilleur ravitaillement en termes de qualité de la course. Quelques minutes après, je repars car je sais que je vais voir ma chérie qui doit m’attendre à Courmayeur, là où est placée la seule base de vie de la course au km 80.

La descente se fait bien, dans un premier temps à travers les pistes de ski, puis dans un deuxième temps par un single un peu plus technique et très joueur à travers la forêt en forme de serpentin. Je me trouve dans les pieds d’un coureur qui ouvre ce single devant moi, nous discutons tout en doublant, ça fait plaisir de discuter un peu ! Il a déjà fait l’UTMB et la Diag entre autres.

Nous arrivons tous les deux à Courmayeur (km 81, 15h55 de course), puis nous nous perdons de vue à la base de vie car effectivement ma chérie, Isa et Yo (qui a abandonné aux Contamines) sont là ! Je suis heureux de voir que Yo a pu rentrer sans encombre sur Chamonix avec l’aide des bénévoles. J’attrape mon sac de délestage, tout est bien organisé et je pénètre seul dans la grande salle car l’assistance n’est pas autorisée à l’intérieur ! J’avale rapidement une petite assiette de riz (chaud mais pas cuit) et ressort pour profiter de l’assistance de ma chérie et discuter avec Isa et Yo. Il fait beau, je m’installe sur la pelouse.

Après un change complet, haut, bas, chaussettes, nok, ainsi qu’un ajustement des affaires de rechange que j’ai dans mon sac, je me trouve plutôt bien physiquement et mentalement. Ma chérie me fait même un petit massage des cuisses pour le confort. L’assistance a un rôle primordial et c’est aussi un plaisir autant qu’une nécessité que ma chérie soit à mes côtés pour partager cette expérience unique.

Je trouve que cette base de vie est placée trop tôt dans la course, ou plutôt qu’il en manque une aux alentours du km 120. Il est très difficile de se projeter à ce moment-là alors que l’on a fait que 16h de course et que pour ma part il en reste plus de 24h avec une deuxième nuit en montagne en prévision.

Aussi improbable que cela puisse paraître, en repartant (16h37 de course soit un arrêt de 45’ environ), je retrouve Frédéric, le coureur avec qui j’ai fait toute la descente précédente. Je suis toujours confiant en mes capacités à terminer cette course. Nous traversons la ville en compagnie d’un petit groupe et il m’annonce que la montée vers Bertone normalement, ne se passe pas trop mal après le ravitaillement. Effectivement, c’est parfois très raide (800 D+) mais j’arrive à m’accrocher au petit groupe. Nous arrivons au refuge Bertone au km 86 après 18h04 de course. Nous passons de plus en plus de temps ensemble avec Fred, la discussion s’installe. Il m’explique ce qui nous attend maintenant, un long chemin en balcon. Il est surprenant de calme et de sérénité. Loin de mon caractère, parfois, un peu plus impulsif. Nous essayons d’exploiter chaque portion qui peut se courir et nous y arrivons plutôt bien.

Nous passons devant le refuge Bonatti où de nombreux randonneurs sont installés et nous encouragent. Nous faisons le plein d’eau et nous repartons vers Arnouvaz situé au km 99 km. 20h29 de course. La petite descente vers le ravitaillement que l’on devine semble longue mais la pente douce n’est pas trop cassante. Elle nous permet de courir sans trop nous faire mal aux cuisses.

Arrivée à Arnouvaz, Fred me présente ses copains, arrivés avant nous, et déjà sur le point de repartir. Fred est d’un calme olympien, nous rechargeons les batteries avant la montée vers le grand col Ferret qui fait office d’épouvantail ! Nous quittons le ravitaillement et attaquons la montée (750 D+). Nous croisons un des deux copains à Fred, en train de dormir à l’abri du vent. La montée est sèche et je suis obligé de m’employer sérieusement n’ayant pas de bâtons et les forces m’abandonnant petit à petit. Le froid et le vent sont glaciaux. Nous nous équipons de notre veste. Nous croisons certains coureurs qui redescendent et d’autres qui galèrent vraiment ! Alors que nous progressons, un couple de supporters nous encourage, ils arrivent du sommet. Il s’agit d’Erik Clavery et de sa femme Céline qui nous font un check au passage et qui nous disent qu’il fait un froid de chien là-haut. Effectivement, au passage du col (km 103, 22h22 de course) c’est l’enfer et nous nous engageons vite dans la descente avec Fred. Un peu plus bas, j’ai quelques problèmes gastriques, je suis obligé de me cacher un peu à l’arrache dans la montagne pour soulager mon mal de ventre.

La descente vers La Fouly n’est pas difficile techniquement, mais il faut pouvoir courir car sinon, elle doit sembler interminable (-1100 D-) ! Heureusement, il me reste quelques forces ainsi qu’à Fred. Nous arrivons donc à la Fouly au km 113 après 24h de course. Il est 18h05.

La section suivante est composée d’une longue descente (700 D-) le long d’un cours d’eau (environ 10 km) et d’une remontée vers Champex-Lac (450D+). Nous courons un maximum mais sur certaines portions plates ou légèrement descendantes, pour la première fois, je suis obligé de marcher. Je n’ai pas vraiment mal musculairement par contre la force, l’énergie m’abandonnent. Dans le même temps, je commence à avoir des petites hallucinations. En remontant le long de la route, Fred me montre du doigt l’emplacement du ravitaillement ! C’est haut !

Mais à partir de là, on sait avec Fred, qu’ils nous restent un marathon avec trois grosses bosses ! Pourtant beaucoup de coureurs à nos côtés ont le moral dans les chaussettes. Pour moi, c’est le décompte qui s’enclenche dans ma tête. Reste 3 difficultés ! Ca va le faire !

La montée vers Champex me paraît longue. Je vois les minutes s'égrener et mon objectif, de passer sous les 40h, s’effilochait. A partir de là, et même si c’est interdit par le règlement, je pense de plus en plus à récupérer une paire de bâtons. Je sais aussi que je vais retrouver mon assistance et effectivement ma chérie, Yo et Isa sont là. Ma chérie est redescendue du ravitaillement pour venir faire quelques centaines de mètres avec nous. Je lui présente Frédéric et elle rigole en me disant que les Fred sont les meilleurs. Elle me dit aussi que ça la rassure que nous progressions maintenant ensemble, surtout que la deuxième nuit pointe son nez ! Je lui dis que je me questionne sur les bâtons, sur mon objectif de temps et que nous allons dormir avec Fred une petite demi-heure dans la voiture comme je l’avais prévu initialement.

Nous nous ravitaillons, allons en direction de la voiture et essayons de dormir un peu. Je baille beaucoup mais je ne trouve pas le sommeil, cependant je me repose ! Il est 21h15 lorsque nous arrivons à Champex après 127 km et 27 h de course. En guise de ravitaillement, nous avons le droit à du riz froid, mais en plus pas cuit ! Je me change, Fred en fait autant, nous nous équipons pour la nuit et quittons le ravitaillement pour la voiture afin de dormir une petite demi-heure. Nous nous installons tous les deux dans la voiture sur les sièges conducteurs et passagers avec une grosse couverture. Que du bonheur. Ma chérie nous réveille 30’ plus tard et nous devons rallumer les frontales en repartant pour cette deuxième nuit. Il fait vraiment froid, je mets de nombreuses minutes à me réchauffer. Ça y est, je suis au plein cœur de mon ultra !

En quittant Champex, nous abordons une petite remontée suivit d’une petite redescente. En suivant, il faudra avaler la longue montée vers la Giète et la descente vers Trient. La montée, bien que longue (+850 D+) se passe bien. Les bâtons, bien que cela fasse longtemps que je ne m’en sers plus, m'aident bien. Par contre, les dragonnes appuient sur les boutons de ma montre et j’ai peur à ce moment-là de perdre mon activité. Heureusement, ce n’est pas le cas. Nous pointons au sommet à la Giète après 31h de course, nous sommes au km 138. La descente devient plus compliquée pour moi. Je commence à avoir de plus en plus mal aux pieds, à l'articulation externe du genou gauche et j’ai une belle grosse irritation au niveau des fesses, ou plutôt entre les fesses ! J’ai du mal à courir même sur des portions faciles. Je trébuche, fais les mauvais choix de trajectoires, j’ai l’impression d’apprendre ce qu’est le trail ! Cela m’énerve intérieurement au plus haut point surtout que musculairement je me sens costaud. Je suis bien conscient que cela est dû à la fatigue, à mes réserves énergétiques en baisse et à la nuit, mais malgré mon analyse et à ma volonté de bien faire, rien n’y fait. Cette longue portion de 17 km se passe pourtant et nous pointons à Trient au km 144 après 32h de course.

Ma chérie est là, elle n’a toujours pas dormi ! Yo et Isa eux se reposent dans la voiture. Elle me masse les cuisses, me ravitaille, me remplit mes gourdes. Elle est aux petits soins. Nous faisons un point sur ce qui est fait et sur ce qu’il me reste à parcourir. Elle me dit que ça va le faire qu’elle me trouve plutôt bien. Je suis confiant en mes capacités mais la route est encore longue, enfin « deux difficultés » !

Nous repartons de Trient avec Fred après 32h de course pour une section de 10 km en montée descente de 800 D+/- chacune. Une montée sèche que je gère mal en mettant trop d’intensité. Les bâtons m’aidant, j’ai eu tendance je pense à pousser fort, certainement trop fort. Je gère également difficilement la descente entre marche et course à très faible allure. Dans la descente un nouveau problème gastrique m’oblige à m’arrêter dans les bois. Mais petit à petit nous arrivons à Vallorcine, dernier ravitaillement avant l’arrivée. Je regarde toujours ma montre en me demandant s’il est possible de passer sous les 40h, cela me semble difficile, mais faisable.

Vallorcine, km 154, 35h50 de course. Ma chérie est là, on lui demande le pass sanitaire pour rentrer sous le tivoli. A peine posé et assis, j’ai froid. Je commence à trembler. Je dis à Fred qu’il faut que je m’équipe. Je sors tout ce que j’ai dans le sac, bonnet, gants, collant long, tee shirt sec, sous couche et ma gore tex. Mon sac est quasiment vide. J’ai vraiment du mal à me réchauffer. Ma chérie, elle, est en tee shirt ! Elle va me chercher à manger, du riz froid toujours pas cuit (pfff) et de la soupe. Fred est à côté de moi et s’est équipé aussi. Un coureur dort sur un banc à côté de moi, sa femme est à ses côtés. Elle me regarde en voyant que je ne suis pas au mieux et me dit « Pourquoi vous vous infligez ça ? » Je lui réponds simplement en lui disant, « Je ne sais pas !». Après 35’ d’arrêt, il est 5h30 du matin, nous repartons avec Fred pour la dernière difficulté ! Ma chérie me dit que l’on se voit maintenant sur la ligne d’arrivée, une vague d'émotions m’envahit…

Cette dernière portion (20km) est composée d’une longue montée vers la tête aux vents (850 D+), suivie d’un faux plat descendant vers la flégère et enfin de la redescente vers Chamonix. Dès que nous quittons le ravitaillement, nous longeons un cours d’eau en faux plat montant, je lutte contre la fatigue et le froid. J’ai de moins en moins de force. Fred, quant à lui, est à deux doigts de s’endormir. Il arrive à ingurgiter un gel à la caféine qui lui fera le plus grand bien quelque temps plus tard. Après quelques longues minutes à marcher, nous traversons une route et devinons la montée vers la Tête aux vents. Les frontales devant nous, nous laissent deviner une partie de l’ascension. Dès le début de l’ascension, je suis dans le dur, je n’ai plus de force, je me fais énormément doubler ainsi que Fred qui m’attend. Il en profite pour donner des nouvelles à sa famille et profite du jour qui se lève. Pour ma part, même si habituellement j’adore ce genre de montée sèche, là, c’est différent. Je suis obligé de me donner à 100% pour gravir chaque marche et il y en a beaucoup ! Un combat physique et mental s'installe avec moi-même. J’aime ça et d’un autre côté, je m’en veux de ne plus avoir de force, c’est étrange. Le jour se lève, j’enlève ma frontale, mes gants et bonnet ainsi que ma veste. On distingue le sommet de la tête aux vents, c’est beau ! Après 38h25 de course, nous y sommes enfin ! Fred immortalise ce moment en nous prenant en photo Il reste environ 12 km, principalement en descente et je me dis que si j’arrive à retrouver des forces, je peux espérer passer sous les 40h. Mais le long chemin en balcon qui mène à la Flégère est un chemin de croix pour moi. Je n’ai plus rien dans les chaussettes. Je commence à avoir mal un peu partout sans compter cette fichue irritation ! Je dois faire attention à chaque « marche » un peu haute pour ne pas me faire mal. Et puis arrive cette petite remontée de 30m de D+ environ que je n’avais pas vu sur le graphique. Je recule ! Tant bien que mal on arrive à la Flégère après 39h22 de course. Nous nous ravitaillons rapidement car je sais qu’il ne reste que 8 km en descente en direction de Chamonix. Rapide calcul dans ma tête, et maintenant c’est le combat pour ne pas faire plus de 41h qui commence ! Reste 8 km.

En quittant le ravitaillement, nous empruntons une piste de ski plutôt raide au début et nous entendons un traileur crier très fort. Nous prenons de ses nouvelles et il nous dit qu’il vient de se déchirer le quadriceps ! Le sentiment d’impuissance à ce moment-là est vraiment présent. Fred discute un peu avec lui pour s’assurer que malgré cela tout va bien et nous continuons notre descente. Un peu plus loin, elle est facile techniquement, mais je n’ai plus de force, plus d’énergie, je me bats contre moi-même pour courir à 6 ou 7 km/h en descente. J’essaie de m’encourager, de me dire que plus vite je cours, plus vite je serais en bas mais rien n’y fait. J’ai juste à prendre mon mal en patience. A ce moment-là, un coureur nous double en nous disant que si nous courons à 14 km/h jusqu’en bas, on peut être finisher en moins de 40h. Je le déteste. Je n’ai pas envie de réfléchir à ce moment-là à savoir si c’est de l’humour ou de la moquerie. Quelques minutes plus tard, je trébuche, m’insulte ! Fred reste à mes côtés, me guide. Je me donne des objectifs de plus en plus courts. Allez jusqu’au prochain virage, courir 1’ sans m’arrêter, bref, vous voyez l’état ! Un nouveau coureur nous double et me dit « Ce n’est pas grave si ça fait mal, serre les dents » J’ai envie de lui dire « Pauvre con, je ne fais que ça » mais je le garde pour moi car en fait, avec la fatigue, je manque peut-être un peu de discernement. En tout cas,  dans ces moment-là, ce n’est pas ces mots, ni cette intonation que j’aurais emprunté.

Nous croisons de plus en plus de spectateurs, sportifs, qui remontent le long du sentier et qui nous encouragent. C’est vraiment sympa, mais à ce moment-là, j’ai du mal à apprécier ces compliments. Nous arrivons enfin au petit restaurant et une personne me dit qu’il ne reste que 25’ de descente. Je n’y prête pas attention jusqu’à ce que Fred me dise, regarde on est plus bas que le toit de cette maison ! Et effectivement, nous arrivons sur la route ! Je vois la passerelle là, juste devant moi ! Je la touche en disant, « Putain, elle est là » !  J’ai une grosse montée d’émotion et Fred me dit « Ne pleure pas tout de suite sinon je fais pareil » Je monte les marches de la passerelle en courant et redescend. Peu après, je croise Christophe qui vient d’être finisher de la CCC. On se félicite mutuellement. J’arrive de nouveau à courir sur toute la partie enrobée. Je retrouve des jambes, c’est incompréhensible, mais honnêtement, je ne vais pas m’en plaindre. De nombreuses personnes nous encouragent, et même un petit gars en VTT. Fred me demande si je l’ai reconnu, je lui dis que non. C’était Thibault Barronian ! Au détour du dernier virage, je vois Yohan (finisher UTMB en moins de 39h) et Laetitia, sa femme, finisher de l’OCC. Yohann est là lui aussi après une longue nuit à nous faire l’assistance ainsi que Isa. J’entame la dernière ligne droite et je cherche ma chérie du regard, je ne la vois pas. On se prend mutuellement dans les bras avec Fred, mon partenaire de route et je le remercie de sa patience, du beau moment de sport passé à ses côtés. J’entends enfin ma chérie qui est perchée sur un tonneau et qui essaie de filmer mon arrivée. Elle descend, je la prends dans mes bras en m’effondrant en larmes et en lui disant que je l’ai fait ! Nous partageons ce moment tous les deux . Elle a partagé mes moments de doutes, notamment quand je me suis blessé 4 semaines avant le début de l’épreuve, mes absences. Ces moments resteront à jamais gravés dans ma mémoire. Elle fait partie intégrante de ma réussite.

Quelques temps après, je vais chercher ma veste sans manche de finisher et je partage une bière avec Fred sur les marches. Son copain, qui était à La Fouly en même temps que nous, a mis 2h30 de moins que nous pour devenir finisher. Fred, quant à lui, s’il ne m’avait pas attendu, serait passé sous les 40h sans aucun problème, mais au final, l’essentiel est-il vraiment dans le chrono ? Je ne le crois pas.

J’ai vécu une belle expérience humaine et sportive et c’est bien là le principal.

Je garde toutefois dans ma tête une image d’une course commerciale qui propose un parcours intéressant mais peu transcendant. Les nombreuses parties de route, d’enrobée, de chemin large ou de pistes de ski sont trop nombreuses pour moi. Les ravitaillements à mon niveau de passage (apparemment cela n’a pas été le cas pour Yohan) ne sont pas à la hauteur du prix payé et du prestige de cette épreuve. Les sentiers, abîmés à certains endroits et poussiéreux à recouvrir les chaussures, m'amènent aussi à me questionner.

Le départ et l’arrivée restent de très beaux souvenirs ainsi que les 130 premiers km où la forme physique était bien présente. Je suis aussi satisfait de ma programmation physique, habitant un plat pays (lol), il n’est pas toujours simple de se préparer pour ce genre d’épreuve. A ma montre 175 km 10 000 m D+/-

En route pour de nouveaux objectifs, wennnngggggaaaaa !



Commentaires

Verdon Pascal a dit…
Bravo pour se magnifique récit qui montre que rien n'est inposible et merci pour se partage de ton expérience qui montre bien que c'est dur et qu il faut du temps pour se mettre au départ d une telle course de trail. Merci Yannick.

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