Ultra trail du grand raid des Pyrénées Aout 2016
En 2013, je m’étais inscrit sur
cet ultra pyrénéen mais au km 120, j’étais victime de mon premier abandon. Mes
pieds ne me portaient plus ! Je souffrais trop, je n’arrivais plus à
passer au-delà de la douleur, je préférais rendre mon dossard la mort dans
l’âme.
Depuis ce jour, je m’étais promis
de revenir mieux armé d’un point de vue physique et mental et c’est en 2016,
l’année de mes 40 ans que je décidai de reprendre le départ de cette course
aussi belle que difficile. Je parle de course mais c’est avant tout un
« combat » contre soi-même, contre toutes nos envies d’abandonner, de
« bâcher », choses qui simplifieraient bien entendu les souffrances
de fin de course.
En habitant la Charente Maritime,
proche de notre si beau littoral, il est difficile de trouver un terrain de
jeux adapté à cette pratique « extrême » qu’est l’ultra trail.
Cependant, je décidai de m’appuyer sur mon échec de 2013, de voir ce que je
pouvais améliorer dans ma préparation physique et mentale et de repartir la
tête haute.
En ce qui concerne le mental,
l’année 2013 était une longue descente aux enfers où il fallait pallier avec
certains vieux démons de fêtard, reprendre ses marques et se reconstruire.
En 2016, tout est différent, j’ai
envie de bouffer la vie, de profiter, en bref, de ne plus me prendre la tête
pour des choses qui n’en valent pas la peine. A l’aube de mes 40 ans, je me
sens prêt à me lancer des challenges sportifs à la hauteur de ce que
j’apprécie, de ne pas me fixer de limite. Bon, ok, j’ai un peu toujours eu cet
état d’esprit, on verra bien où cela me mène dans quelques années.
En parlant un peu de mes projets
sportifs à mon entourage tri athlétique, je trouve un compagnon d’échappée prêt
à me suivre dans cette aventure sportive et humaine. C’est tellement plus fort
de partager cela à deux ou trois ou plus !!! Nico sera donc de la partie.
Il n’a pas été simple pour lui de se décider, lui, passionné de marathon, qui
n’a jamais aimé les chemins et qui a une expérience du trail vraiment faible.
Elle se résume au 76 km des Templiers (3100 D+/-) l’année précédente ! En
discutant pendant nos entraînements d’hiver, je lui explique que je cerne mieux
la préparation et que je sais, le connaissant, qu’il peut aller au bout, qu’on peut
le faire, ensemble ! Il décide donc de me faire confiance, de me suivre
dans cette aventure et valide son inscription quelques temps après moi.
LA PREPARATION PHYSIQUE ET
MENTALE
Nous nous servirons donc d’une
solide base foncière en triathlon conclue par un triathlon distance Ironman fin
Mai et après 15 jours de coupure, nous attaquerons un programme de 10 semaines
spécifiques à l’ultra trail. Le programme va donc être chargé. Il faudra
trouver le bon compromis entre volume et ne pas se blesser.
Nous prévoyons une course de
préparation à 6 semaines de l’objectif final, il s’agira de la Bk42 à Bidarray
(42 km pour 3100 mD+/D-) dans le pays basque qui a la particularité d’avoir des
passages techniques et à fort dénivelé entrecoupés de passages beaucoup plus roulants
comme sur le Grand Raid des Pyrénées.
Pour ne rien gâcher, c’est très convivial et très bien organisé.
Une semaine de récupération
complète suivra cette épreuve (sauf un tour de vélo d’1h30 le Mardi) qui aura
durée 7h18.
D’une manière générale, les
autres semaines seront construites de la manière suivante :
·
1 footing (45’) le Mardi
·
Un footing de 45’ suivi d’une séance de
pliométrie de 30’ le Mercredi
·
Un footing incluant du travail d’allure vma ou
seuil le Jeudi ou Vendredi
·
Une sortie longue marche course (environ 4 h)
avec de la répétition de bosses le Samedi
·
Un footing long (1h30) en endurance fondamentale
sur terrain vallonné, le Dimanche
Je procéderai à un bloc dans les
Pyrénées à Cauterets exactement à 4 semaines avant l’objectif :
·
Le vendredi : Sortie courte mais intensive
(pour moi) 15 km en direction du col de Riou (env 800 m D+) en me forçant à
courir dans la montée et dans la descente.
·
Le Samedi, je ferai une sortie longue en montant
au pic du Cabalerios et en montant au col de Riou. Sortie en endurance, marche
dans les montées, courir dans les descentes. Au final, 40 km pour 7h20 3000 m
D+ env.
·
Le Dimanche, dernière sortie de 25 Km environ
sur le même principe, 1200 m D+ env.
A J-9, je réaliserai avec Nico,
une dernière sortie longue à la frontale sur notre côte en marchant sur les
rochers, en courant dans le sable, de mémoire 3h45.
Le reste ne sera que footing et
repos complet. Le but sera d’arriver le jour de l’épreuve sans douleur
musculaire et articulaire avec un max d’énergie, ce qui sera le cas.
J-1
Nous allons retirer nos dossards
avec Nico et notre assistance et nous en profitons pour faire contrôler nos
sacs avec tout le matériel obligatoire. Forcément, j’ai oublié de descendre mes
deux petites flasques d’hydratation de 500 ml et ma réserve énergétique (mes
barres de céréales quoi !).
En négociant un peu, j’ai le
droit de signer le papier comme quoi tout est complet. Cela m’évitera un aller
retour à la grange ! Merci Pascalou !
Nous allons faire badger nos
dossards sous le Tivoli et récupérons en sortant un Tatoo du profil de la
course à se coller sur l’avant bras. Objectivement, c’est trop petit, ça ne
sert à rien, mais ça fait fun !
Nous remontons donc à la grange
une fois ces formalités faites, pour faire nos sacs que nous retrouverons aux
bases de vie de Pierrefite km 76 et Luz saint Sauveur km 121. Dans chaque sac,
je mettrai :
·
Un débardeur respirant,
·
Un tee shirt respirant manche courte,
·
Un tee shirt respirant manche longue,
·
Une seconde couche plus épaisse,
·
Une serviette (pour la douche)
·
Une paire de chaussettes propre,
·
Une bouteille de St Yorre,
·
Une bouteille de Powerade,
·
Une batterie annexe pour recharger mon garmin
avec son câble,
·
De la nok,
·
Des barres énergétiques,
·
De la boisson énergétique,
·
Un tube de sporténine*
·
Une paire de chaussures *
*Seulement à Luz Saint Sauveur.
Une fois tout préparé et mis en
sac, nous redescendons pour donner cela aux bénévoles sur la place de l’école à
côté de la place du village et nous attendons 5’ avant le début du briefing. Il
est difficile de trouver une place à l’ombre mais heureusement, une
connaissance de Nico bien placée nous fait une place sur les marches du
syndicat d’initiative à l’abri du soleil.
Après un discours de la mairesse
très impliquée dans cette organisation, place à l’organisateur principal qui
nous met en garde sur les principaux passages qui doivent retenir notre
attention, notamment entre Sencours (km 45) et Hautacam (Km 65), où il va faire
très chaud et où il ne faudra pas oublier de remplir en intégralité ses
réserves d’eau ! Il nous met en garde aussi sur les rapatriements limités
en bus et sur les rapatriements médicaux qui ne seront fait qu’en cas de
nécessité absolue. Sinon, à chacun de se prendre en charge, de savoir sur
quelle portion il est capable de s’engager, ou pas ! Chaque traileur étant
aussi responsable des autres concurrents, solidarité oblige.
Le médecin général succédera à
l’organisateur en mettant les athlètes en alerte par rapport aux
anti-inflammatoires qui seraient monnaie courante dans le milieu de l’ultra
trail. Cette pratique serait très dangereuse pour les reins, il le déconseille
fortement. Il nous dit aussi qu’avec une hydratation bien gérée, la chaleur ne
devrait pas poser plus de problème que cela, il faut simplement adapter ses
allures.
Place pour finir à Mr
« Sécurité », un pompier pro,
qui nous met en garde contre des ruches à la Mongie (km 31) qui détestent la
sueur des athlètes, aux vaches à
certains endroits du parcours qui ne sont pas habituées à voir des randonneurs
et qui pourraient avoir un comportement agressif, il faut essayer de les
contourner, aux biques et chèvres qui peuvent détacher des pierres au-dessus de
nos têtes et aux patours qui protègent les troupeaux. Bref, tout le monde nous aime.
Le briefing étant maintenant
terminé et assimilé, retour à la grange pour se mettre les jambes en l’air sur
le canapé en attendant le repas du soir. Au menu, l’apéro obligatoire pour
rentrer dans la course (une tradition ;-) ) et viande blanche agrémentée
de riz.
Nous attendrons l’arrivée de Frédérique,
elle arrivera finalement vers 22h30 après sa journée de travail. Quelques temps
après direction le lit pour un réveil prévu à 4H00. La nuit sera presque
blanche pour moi, impossible de trouver le sommeil, comme la nuit précédente
d’ailleurs, ça fait beaucoup, mais c’est comme ça. A mes débuts pourtant, je
dormais plutôt très bien avant les « grandes » échéances, mais depuis
quelques années, c’est l’inverse. Bizarre, parfois le comportement du corps
humain.
JOUR J:
The D day, nous y sommes. Petit
déjeuner avalé, thé, yaourt nature 0%, muesli bio et un verre de jus d’orange
pour moi, pour Nico des pâtes. Nous nous habillons et c’est en compagnie de mes
parents, de Frédérique et de Céline la femme à Nico que nous descendons 5’
avant le départ sur la place du village. Il fait nuit, mais chaud. Le bruit du
micro réveille les villageois de Vielle Aure.
Nous nous faisons badger et la
musique de départ retentit. 2’, 1’, derniers encouragements de notre
assistance, 10’’, 5,4,3,2,1….. Wennnnggaaaaaa !!!!! Euh ça c’est dans
notre tête !
Nous nous promettons avec Nico, à
ce moment là, de ne rien lâcher ! L’affaire ne va pas être simple, on le
sait, mais si on y croit, avec notre préparation, on y arrivera !
Nous quittons donc Vielle Aure
sous les encouragements de quelques personnes accompagnantes qui se sont levées
pour assister au départ. Alors que nous sommes en train de courir sur l’enrobé
nous menant à Vignec (Km 2) à 5’30 au kil, je me dis qu’une personne sur deux
n’arrivera pas à Vielle Aure dans le temps imparti, soit 50H pour devenir
finisher. Plus d’une personne sur deux, c’est le « tarif » sur ce
genre d’épreuve en général. Nous sommes deux ! Surtout ne pas faire partie
de ceux là !
A Vignec, Km 2, 824m d’altitude,
nous attaquons la première grimpette de ce parcours. Equipés de nos bâtons,
nous abandonnons la course à pied pour une marche rapide qui nous mènera au col
de Portet. Nous sommes pratiquement derniers, reste une cinquantaine de
participants environ dernière nous. Je suis toujours impressionné de la
rapidité des départs sur ces ultras sachant que les barrières horaires sont
déjà très serrées jusqu’au moment de quitter la première base de vie (Km 76) au
début de la nuit. J’avais prévenu Nico afin qu’il n’en soit pas surpris. Nous
empruntons une piste large enrobée zigzagant entre des arbres jusqu’aux granges
de Lias au Km 5. De là, serpente un sentier terreux et caillouteux, parfois un
peu plus large qui nous mène jusqu’au lieu dit les cabanes, juste en-dessous le
Pla d’Adet. Nous rigolons un peu avec Nico car notre temps n’est pas si mauvais
que ça pour atteindre cet endroit et nous sommes quasiment sur d’arriver avant
notre Pascalito qui passerait par la route avec son vélo ! Mais,
shutttt, il ne faut pas lui dire. Nous croisons rapidement notre assistance
venue nous encourager et nous continuerons notre route. Nous pouvons facilement
deviner l’itinéraire à suivre en nous fiant au long fil lumineux des frontales
nous précédant, c’est magique. Quelques temps après, nous arrivons au Pla
d’Adet, nous coupons la route et empruntons une piste large qui est en fait une
piste de ski. Aucune difficulté technique, nous en profitons pour discuter
avec certains concurrents. Il commence
déjà à faire chaud. Le soleil se lève sur les hauteurs à notre droite, nous éteignons
nos frontales, c’est superbe. Nous profitons de cet instant privilégié !
Peu de temps après, nous croisons notre assistance venue nous encourager et
nous assistons à un berger qui fait descendre ses bêtes de leur pâturage dans
un bruit de cloches effréné. Nous assistons aussi au travail du Patour qui
guide et protège le troupeau, quel travail ! Après avoir discuté avec un
concurrent qui a une mascotte accrochée à son sac (cadeau de ses enfants), nous
attaquons le dernier raidillon qui nous mène au col du Portet. A ce moment,
nous croisons un concurrent qui fait demi-tour et qui nous souhaite
« bonne course », déjà !!! Certainement, une blessure… Nous
franchissons le col de Portet, km 13, alt 2215, pour attaquer une descente (200
m D-) sur piste large, sans aucune difficulté technique. Nous commençons à
doubler quelques concurrents.
Nous arrivons à notre premier
chek point, le restaurant Merlans au km 15, altitude 2040 m en 336 ème
position, il y aura déjà eu malheureusement 6 abandons ou hors délais sur cette
portion de 15 km (1500m D+/260m D-). Nous rechargeons en eau, malgré une eau
saumâtre qui sort des tuyaux, d’ailleurs certains concurrents préféreront ne
pas compléter leur poche à eau avec mais d’un autre côté, on n’avait pas le
choix. Je pense qu’il s’agissait juste d’un peu voir beaucoup de calcaire. Une
fois cela fait, nous mangeons un peu, pour moi ce sera du jambon blanc et un
bout de banane et nous repartons une dizaine de minutes après vers la deuxième
portion du parcours, il y en aura 13 en tout ! Il est 7h54 du matin.
Dès la sortie du ravito, nous
attaquons une montée franche à travers une piste de ski qui nous amène sur un
single qui surplombe le lac de l’Oule, qu’est ce c’est beau ! Sur cette
portion plus étroite mais plus plate, nous courons doucement, découvrant le lac
de Bastan. Plus haut, le refuge de Bastan nous offre ses cailloux, chemins
techniques, et son « garcimor » version slovaque !!!! Oui, vous
avez bien lu ! En fait, il s’agit d’un traileur qui est venu se greffer à
nous et qui n’arrête pas de déconner. Il a un fort accent, il est slovaque. On
parle de tout et de rien mais au fil de la conversation, on apprend que cet
homme a failli mourir. Il abusait de la bonne bouffe et du bon vin, il fumait
énormément. Il pesait plus de 140 kg et faisait des apnées du sommeil de plus
en plus longues l’obligeant à dormir avec un masque à oxygène. Son médecin lui
avait laissé peu de temps à vivre à ce rythme là. C’est à ce moment là, qu’il a
commencé à courir, s’alimenter correctement et arrêter de fumer. Quelle force
de caractère ! Parcourant des distances de plus en plus longues le voilà,
aujourd’hui, rendu au GRP. Il venait juste de faire la Montagn’hard en
préparation. 110 km pour 10 000 m D+/D-. Respect. Nous arrivons au dernier
raidillon et là ça grimpe franchement jusqu’au col de Bastanet situé à 2507 m
d’altitude. La vue est superbe.
Etant au sommet, nous rangeons
donc nos bâtons, les attachons au sac et repartons illico pour la
descente. Je préviens Nico qu’il sera
difficile de courir pour nous dans cette descente vu notre technicité. Il faut
simplement être patient, et surtout ne pas se blesser, la course est encore
tellement longue. Seulement 20 km de parcouru. Il est 9h20.
Nous profitons donc de cette
descente pour découvrir le lac de Gréziolles au km 23 et son barrage au km 25.
Nous attaquons maintenant une partie plus herbeuse et Nico part devant avec un
rythme soutenu, se sentant bien, il se laisse griser par une vitesse toute
relative. Je l’arrête quelques temps après en lui disant qu’il faut réduire le
rythme, que l’on va trop vite pour notre niveau ! Après être passés sur un
pont à 1590 m d’altitude, nous attaquons de nouveau une montée franche et
parfois en dévers, très désagréable, pour nous rendre vers La Mongie. Nous doublons
déjà pas mal de coureurs en surrégime, en surchauffe, notamment un, qui est
vraiment en très grande difficulté. Cela
nous rappelle à quel point il faut doser son hydratation, ni trop peu, ni de
trop, un dilemne ! Nous nous regardons avec Nico en pensant que cela peut
nous arriver et nous n’en avons aucune envie !
Nous arrivons quelques temps
après sur un chemin carrossable qui surplombe la route du col du Tourmalet au
niveau d’un paravalanche. Km 30. Ceux qui ont déjà gravi ce col par Sainte
Marie de Campan le connaisse bien pour ses forts pourcentages qui vous donnent
la sensation d’être collé à la route. C’est d’ailleurs le cas de quelques
cyclistes en train de braver ce géant. Quelques temps plus tard, nous
arriverons à La Mongie, où notre assistance nous attend en amont du
ravitaillement. Nous ferons un petit point mental et physique mais pour
l’instant, rien à déclarer mis à part la chaleur ! J’en profite tout de
même pour me « noker » les pieds ! Nous boirons un peu de St Yorre
et de Powerade. Quelques minutes et centaines de mètre après, c’est le
ravitaillement au km 31, altitude 1720 m, sur le parking des pompiers à gauche.
On recharge à bloc en eau et en solide.
Je sais que la partie qui va suivre va être en plein soleil, sans eau et
pendant de longues heures ! Un passage à bien gérer. Il est 11h38, nous
sommes 286 ème. Il n’y a plus que 372 concurrents en course sur les 381
partants.
Nous repartons sous les
encouragements de notre assistance que nous ne retrouverons que bien plus tard.
Mais pour l’instant la prochaine portion sera de 7 km avec 880 m de D+ et 220 m
de D-. C’est donc parti pour une descente sur un single zigzagant entre la
végétation qui nous chatouille parfois les mollets et quelques passages d’eau
en mince filet. Nous nous arrêtons de courir à chaque fois pour tremper la casquette et nous rafraîchir la nuque et
le visage. Très rapidement, je reconnais l’étroit chemin qui nous mènera au col
de Sencours. C’est toujours aussi beau entre ces montagnes encaissées, mais
qu’est ce qu’il fait chaud ! On grimpe maintenant depuis quelques temps, et nous remarquons
qu’il y a de plus en plus de monde sur la bande d’arrêt d’urgence. Des
traileurs couchés dans l’herbe à l’ombre d’un rocher pris d’assaut et d’autres
que l’on double alors que nous progressons déjà si lentement. Nous nous calons
dans les pieds d’une femme qui progresse à un rythme constant et que je
félicite car elle progresse sans bâton. J’apprendrai bien plus tard qu’elle
prépare le grand raid de la réunion qui a cette particularité. Nous discutons
un peu et je découvre qu’elle n’est pas novice, qu’elle a déjà quelques
« ultras » à son actif, notamment dans le désert marocain pour des
œuvres caritatives. Quelques temps
après, une personne de l’organisation attend les marcheurs dont nous faisons
partie assis sur un rocher en nous demandant si tout va bien. Nous lui
répondons que oui mais que nous aimerions bien savoir où est le ravito. Il nous
répond dans 2 km. Soit 30 minutes de marche environ à notre niveau.
Effectivement, un peu plus loin, nous voilà au col de Sencours, Km 38, altitude
2380m. De l’eau !!!!!!!!!
J’essaie de ne pas me
« goinfrer » en eau en suivant les conseils du médecin la veille lors
du briefing, préférant boire par petites gorgées, en alternant avec du coca. Je suis presque
sûr maintenant avec cette expérience que c’est ce qui m’arrive lors de mes
courses à pied sur marathon d’ironman. Je suis en hyper hydratation lorsque je
cherche à compenser un coup de moins bien avec des grands verres de coca. Je
pense avoir trouvé une solution à un de mes problèmes, reste à le valider sur
le terrain !
Après ce ravitaillement liquide,
je m’aperçois que la fermeture éclair de mon sac est ouverte de manière
anormale, elle vient de dérailler !!!
Nous voilà donc assis avec Nico
au pied du ravito, le sac entre les mains pour essayer de réparer cette
dernière. Après plusieurs tentatives infructueuses, je me dis que des épingles
à nourrices pourraient arranger l’affaire momentanément ! Nous demandons
aux bénévoles s'ils en ont mais malheureusement non ! Heureusement, j’en
ai trois petites dans ma trousse à pharmacie. Je les avais prises pour pouvoir
percer mes ampoules mais elles feront très bien l’affaire pour l’occasion.
Nous les mettons en place et après une pause relativement longue due à cet
incident, reprenons la route en direction du Pic du Midi. Sommet le plus haut
du parcours culminant à 2876 m d’altitude, un beau point de vue en
perspective.
Cette portion sera composée d’un
aller-retour au Pic en partant du col de Sencours. Au programme 7 km 500m D+,
autant en D-, fois 2 ! L’altitude et la chaleur va s’occuper très
certainement de durcir cette section !
Nous montons sur une piste large
faisant de grands lacets où nous croisons un à un les coureurs qui ont déjà été
pointés au sommet. Presque tous ont un mot d’encouragement envers nous, c’est
vraiment sympa et touchant cette solidarité ! Je me cale dans les pieds de
Nico qui mène un rythme me convenant parfaitement, il a l’air plus à l’aise que
moi sur cette partie. Nous nous alimentons toujours, nous buvons aussi
fréquemment. Un peu plus loin, je fais signe à Nico pour augmenter un peu
l’allure afin de doubler un petit groupe, il s’exécute facilement. Nous voilà
maintenant presque au sommet, passant sous une voie ferrée relativement basse
et qui a dû servir à construire les installations au Pic en acheminant les
divers matériaux. Cela nous oblige à faire des prouesses de souplesse. Le
résultat n’est pas très beau à voir ! Mais le sommet est en vue et nous
allons pointer au chekpoint km 42 en 236 ème position. Il n’y a plus que 348
traileurs en course. Un marathon d’effectué, plus que trois. Nous profitons
d’être là-haut pour immortaliser le moment, je me rafraîchis, petite pause
technique, et c’est reparti pour la descente. Il nous aura fallu 9h50 pour
arriver jusque là ! Il est 14h50. Nous attaquons en courant la descente
peu technique et encourageons à notre tour les concurrents en train de monter.
Nous croisons Garcimor, version slovaque, en difficulté, un autre concurrent
avec lequel on avait échangé le matin en montant au Portet et Hélène !
Tout à coup un bruit assourdissant résonne entre les montagnes, il s’agit d’un
jet à une vitesse incroyable et à une altitude incroyablement basse.
Certainement un exercice, mais le pilote n’a pas le droit à l’erreur !
C’est impressionnant.
Peu de temps après, nous revoilà
au Sencours Km 45. Nous avons « doublé » une vingtaine de coureurs,
nous sommes 217 ème. Il est 15H31. Nous profitons du ravitaillement et
rechargeons en eau le plus possible puis nous profitons du solide. J’essaie
d’avaler un peu de salé pour fixer un peu l’eau que je bois, je choisis le
jambon blanc et du fromage type emmental. Une fois prêts nous allons attaquer
la prochaine section qui va être longue, voir interminable, un point clé de la
réussite de cette ultra. 19 km avec 750 D+ en 4 parties et 1650 D-.
Nous attaquons par une petite
descente où quelques lamas ont décidé de se prélasser. Puis nous attaquons une
première « bosse » qui nous mène au col de la Bonida. Puis, nous
redescendons un peu, le paysage est vraiment magnifique. Peu de temps après,
nous croisons notre assistance qui a randonné un peu pour venir nous rejoindre.
Nous faisons 10’ de pause à leur coté et nous repartons. Rendez-vous à Hautacam !
Nous apercevons déjà le futur col
que nous devons franchir et la pente à l’air d’être plutôt rude. Il s’agit de celui d’Aouda qui culmine à 2370
m. Cette montée franche nous mène au 50 ème km. Au sommet, nous apercevons bien
plus bas le sublime lac vert. C’est reparti pour la course à pied, les cuisses
sont pour l’instant toujours aussi solides. 400 m de dénivelé plus bas nous
sommes à coté du lac qui nous invite à faire une pause mais rien n’y
fait ! Nous continuons notre route et découvrons le lac bleu aussi beau
que son prédécesseur. Nous croisons une partie de sa source, j’en profite pour
m’arrêter et me mouiller la nuque, les bras, le visage et la casquette. Ça fait
un bien fou avec cette chaleur. D’ailleurs, un petit groupe nous précédant a
décidé de faire une pause, ils repartent dans nos pieds. En levant la tête nous
apercevons le col de Bareilles. Vu d’où nous sommes, il a l’air haut et en plus
il a l’air de monter droit dans la pente. Nous l’attaquons et effectivement
notre impression se vérifie. Que c’est dur. Nous voyons certains coureurs
arrêtés dans la pente en train de faire une pause. Le petit groupe derrière
nous fait la même chose. Que c’est tentant ! Mais nous décidons avec Nico
de continuer et de nous arrêter au sommet. Pour la première fois nous souffrons
franchement, c’est très dur, très pentu. Personnellement, je mets presque toute
mon énergie à chacun de mes pas et mon rythme cardiaque monte franchement. Je
pousse de toutes mes forces sur les bâtons et enfin je distingue le sommet,
nous sommes proches, encore quelques efforts ! Ça y est, nous y
sommes ! Le sommet est très peu large et nous distinguons la descente
agressive qui nous attend ! Nous faisons notre pause comme prévu, assis
dans l’herbe et faisons le point sur ce qui nous reste à parcourir pour
atteindre Hautacam. Nous sommes à 2230m d’altitude, au 56 ème km. Nous nous
disons avec Nico que nous avons un peu peur de cette descente, 600 m D- après
l’effort que nous venons de fournir et dans une descente technique. Nous savons
que nous venons de rentrer encore un peu plus dans cet ultra.
Après une bonne pause, nous
attaquons cette descente et finalement j’ai de bonnes sensations, j’interroge
Nico, c’est pareil pour lui. Yes ! Nous doublons même pas mal de
concurrents finalement sur cette descente et maintenant rassuré j’ai même envie
d’en remettre un peu mais je sais très bien que c’est long, alors
patience ! Nous arrivons en bas au lac d’Ourrec altitude 1670m. Nous nous
mouillons encore et encore et faisons le plein d’eau auprès de deux retraités
bénévoles qui nous donne droit à ½ L d’eau par personne. Ravitaillement non
prévu mais rajouté vu les conditions climatiques. Comment ont-ils fait pour
monter de l’eau ici ????? Apparemment, avec des jerricanes et des
mulets ! Nous les remercions, ils nous souhaitent une bonne nuit et nous
assurent que la nuit va être belle. « Profitez en bien ! » Nous
repartons sur une partie plate et bientôt nous apercevons la dernière
difficulté de cette section, il s’agit du col de la Moulata. Il a l’air moins
pentu que le précédent et c’est tant mieux ! Nous grimpons
régulièrement et récupérons un traileur
hors piste qui n’a pas suivi le tracé. Quand il s’aperçoit de son erreur, il
râle. Forcément, c’est la faute du balisage. On rigole bien avec Nico !
Nous continuons notre ascension et bientôt nous voilà au sommet. Nous sommes
contents car maintenant, il nous reste 5 km environ avant d’arriver à Hautacam
et 400 de D-. Un peu plus d’une heure d’effort ! Nous repartons en courant
dans la descente et dans toutes les portions plates. C’est bon signe !
Même si on a l’impression que ce ravitaillement n’arrive jamais, je sais que
l’on se rapproche, inévitablement. Je me raccroche mentalement à cela.
Enfin, en haut d’une bosse nous
entendons des encouragements, c’est notre assistance ! Nous prenons un
moment à leur côté et nous décrivons ce que nous venons de vivre. Ils nous
disent que beaucoup sont arrivés ici très fatigué.s Après un peu de St Yorre et
de Powerade, nous repartons pour le ravito juste en dessous. Nous pointons à la
184 éme place au km 65, il n’y a plus que 297 coureurs en course. Il est 19H53.
Nous entrons dans la bâtisse et nous nous apercevons que beaucoup de coureurs
sont en difficulté. Nous nous ravitaillons relativement rapidement car je
connais la descente roulante qui suit et nous préférons en profiter à la
première base de vie de Pierrefite, notre prochain objectif. Nous avons 12 km à
parcourir et 1000 m de D-. De la descente, notre spécialité !
Après un petit quart d’heure de pause, nous repartons en
trottinant à travers un chemin mal tracé entre passage humide et broussailles
mal taillées. Quelques temps après, nous rattrapons un bout de route, nous
courrons sur la gauche, certaines voitures nous croisant, nous
encouragent ! Après un petit km nous rejoignons une piste large qui
descend de manière régulière. Cela nous permet de nous caler facilement et de
profiter enfin d’une fraicheur relative la nuit tombant. Nous doublons pas mal
de coureurs qui préfèrent marcher sur cette portion. Nous profitons de ces km
« faciles » techniquement tout du moins, pour revoir un peu notre
plan de course. Nous faisons le point sur les barrières horaires et nous
décidons de prendre une heure et demi de pause à Pierrefite. Reste à y arriver.
La piste large se transforme maintenant en piste boisée pour la pratique du
VTT.
L’obscurité arrive à grand pas.
Quelques km plus loin, je dis à Nico qu’il serait bon de mettre les frontales
mais il préfère attendre et progresser un maximum sans frontale en espérant
arriver à la base de vie avant que notre vision nocturne ne soit plus
suffisante. Il n’en manquera pas beaucoup à vrai dire, environ deux petits kms.
Mais ces derniers étant dans les bois, en single et un peu plus technique, nous
décidons d’allumer nos lampes. Nous avons tellement envie d’arriver à cette
base de vie que nous avons l’impression de ne jamais y arriver. On voit les
lumières, on croise les premières habitations mais toujours pas de village.
Pfffffff, on s’impatiente. Pourtant à force d’efforts, nous voilà arriver à
Pierrefite. Cela fait presque bizarre de courir au milieu d’un endroit comme
cela après ces longues heures passées depuis le matin au milieu des montagnes.
Nous sentons les barbecues, voyons les gens à l’apéro en terrasse !
Mentalement, c’est dur ! Nous progressons tout de même, courant encore et
encore. Mais toujours pas de trace de cette fichue base de vie ! Nous
traversons une route passante et remontons le long d’une conduite forcée. Ça
grimpe fort, surtout quand l’envie d’arrivée et la fatigue sans mêle !
Nico a d’ailleurs pas mal de signe d’impatience à ce moment là, son caractère
de Breton revenant au galop ! J’essaie de temporiser en lui disant que
l’on est bientôt en haut de cette pu…n de bosse ! Après quelques lacets,
on y est enfin, on rejoint une route et nous croisons quelques badauds qui nous
assurent que le ravitaillement est à un petit km. Yes !!!!!!! Nous y
voilà. Finalement, malgré notre impatience, nous avons fait une belle descente,
si bien que nous arrivons avant nos prévisions et donc notre assistance nous a
ratés. Nous pointons au km 76, 149 ème sur 265 encore en course. 70 coureurs ne
sont pas repartis d’Hautacam ! Nous rentrons dans la base de vie. Il est
21h45.
A peine arrivée, une bénévole
nous prends en charge, nous apporte notre sac « base de vie » et un
verre de coca coupé d’eau. Un cocktail maison conseillé par le médecin, c’est
ce qu’elle nous dit. Elle n’en aurait pas un bon litre ???? Nous profitons
en tout cas de cet accueil chaleureux, attablé, assis. On nous apporte de la
soupe, des pâtes. Parfait. J’en profite pour recharger mon garmin avec ma
batterie annexe et boire encore et toujours de la St Yorre et du powerade par
petite gorgée pour recharger. Ça y est voilà notre assistance ! Ils nous
avaient raté un peu plus haut sur le parcours. J’en profite pour enlever mes
chaussures et faire un point sur l’état de mes pieds. Je commence à ressentir
une gène au niveau du petit doigt à droite. Je vais dehors pour me laver au jet
les jambes et les pieds, j’en profite pour discuter avec Fred sur mon état de
forme et mes sensations. Tout va bien pour le moment, je suis confiant. Puis je
prends rdv avec un podologue. Après un bon quart d’heure d’attente, me voilà
sur la table dans une salle dédiée à cet effet. Au bilan, plusieurs
échauffements au niveau de deux talons (rien de trop méchant) et des extérieurs
des gros doigts, une ampoule sous l’ongle du petit doigt et une dessus. Ces
deux dernières attirent l’attention de la podologue. Elle aspire le liquide
sous l’ongle et perce celle du dessus. Elle compresse tout cela avec du strap
en me disant que cela devrait tenir. Elle me strappe l’arrière des talons et le côté des gros
doigts. Je profite de ce moment pour me décontracter. Puis elle blinde mes
chaussettes propres de NOK et elle me les remet aux pieds. Je la remercie et
elle me souhaite bonne course.
Je retourne dans la salle
rejoindre Nico et notre assistance. Je mange encore un peu de pâtes, je
m’hydrate car bientôt se sera l’heure de repartir. Fred me fait le plein de mon
camel bag, de mes gourdes, elle est au petit soin, c’est un amour !
Quelques temps après, Nico est prêt, moi aussi, nous repartons avec une bonne
dose d’énergie en plus, cette pause nous a fait le plus grand bien ! Nous
quittons la base de vie à la 151 ème place après 1h30 d’arrêt environ, il est
23H13. 41 participants ne repartirons par de cette base de vie.
Nous quittons Pierrefites en
marchant, frontales allumées, pour attaquer la prochaine section qui va se
composer de 11 km avec 1200 m de D+. La nuit est douce, la pente est
raisonnable, nous marchons dans la bonne humeur en discutant de choses et
d’autres. Le chemin nous menant à Pouy droumide, prochain ravitaillement,
alterne entre piste large au départ et single un peu plus tard. Nous sommes dans
une partie boisée quand devant je reconnais une démarche connue. Il s’agit
d’Hélène ! Je lui demande si elle veut marcher avec nous, elle nous dit
que non, qu’elle a de la musique, tout va bien. En fait elle a pris une pause
très coutre à la base de vie pour être sûre de passer les barrières horaires.
Nous la doublons et continuons notre chemin sur un espace plus large maintenant
souvent herbeux. Quelques temps après nous cherchons déjà où pourrait être le
ravitaillement. Je me rappelle qu'en 2013, il était perdu au milieu de nulle
part. Effectivement, c’est le cas aussi cette année car peu de temps après,
nous voyons une grande tente alimentée par un groupe électrogène au milieu d’un
pâturage. Cette portion ne nous a pas paru trop longue avec Nico, doublant même
certains concurrents. Nous pointons au Km 87 à la 136 ème place, il est 1h53 du
matin, 6 personnes n’en repartirons pas.
Nous sommes accueillis comme des
rois par un groupe de jeunes nous applaudissant à notre arrivée et nous
ravitaillant dans un second temps. L’ambiance est bonne, presque détendue,
c’est ce qu’on ressent dans l’atmosphère. Certainement parce qu’une fois rendus
là, les barrières horaires s’élargissent franchement et pour une fois depuis le
départ, nous avons de la marge, 2h30 sur cette dernière. Il ne faut quand même
pas trainer car franchement, à notre niveau et depuis le départ, j’ai
l’impression de ne pas pouvoir faire beaucoup mieux en partant dans une optique
de Finisher. Je pense que c’est pour cela aussi qu’il y a beaucoup d’abandon
sur le GRP car, le tempo demandé, nécessite presque à tout le monde de partir
en surrégime. Nous discutons avec un pompier qui est là pour assurer la
sécurité des athlètes, il nous dit que l’on a fait une grande partie de la
route et que le retour jusqu’à Vielle Aure est plus roulant. Il faudra que j’en
reparle avec lui d’ailleurs !
Après avoir mangé et refait le
plein de nos poches à eau, nous nous renseignons sur la prochaine portion qui
nous attend et qui devrait nous amener à Cauterets. Une bénévole nous dit que
nous allons attaquer par une petite descente de 150 m D- puis une montée sèche
au col de Contente de 650 m D+ et pour finir une descente de 1150 D- qui nous
mènera à Cauterets. Tout un programme long de 15 Km mais qui devrait ne pas être
technique.
Nous quittons donc le
ravitaillement et descendons cette petite partie dans les broussailles. Après
avoir franchi un petit cours d’eau, nous attaquons la montée vers le col de
Contente. Nous nous apercevons qu’un fil est tendu au sol et que c’est lui
qu’il faut suivre. Nous grimpons « droit dans le pentu », une grande
ligne droite qui n’en finit pas. Nous essayons de distinguer les frontales
devant nous pour estimer ce qu’il nous reste à parcourir. Que cette portion est
exigeante physiquement. Nous sommes obligés de laisser une énergie folle dans
chacun de nos pas, c’est vraiment pentu ! Petit à petit, on se rapproche
du sommet en doublant au passage quelques concurrents arrêtés dans cette pente
sèche entrain de reprendre un peu d’énergie. Une fois de plus, nous avons
décidé avec Nico de nous arrêter au sommet du col. Après quelques efforts, nous
arrivons enfin au sommet. La vue sur Cauterets est magnifique.
En 2013, c’est là que tout
c’était compliqué pour moi, alors que cette fois ci, j’ai un sentiment de
pouvoir y arriver. Certes la fatigue s’installe, mais c’est normal, nous sommes
au km 95. D’un point de vue musculaire, les cuisses tiennent le choc, j’ai
encore de l’énergie à donner, même si je
monte de plus en plus souvent haut d’un point de vue cardiaque sur les grosses
difficultés. Seuls mes mollets me tracassent un peu avec des contractions de
plus en plus importantes, j’ai un peu peur des crampes ! Lors de mon stage
de préparation sur Cauterets, après avoir discuté avec un vendeur de chaussures
de trail dans un magasin spécialisé, cela serait dû à ma manière de marcher ou
de courir. J’aurais un drop important, ce qui fait que je sollicite beaucoup
mes mollets.
D’un point de vue physique, mes
pieds vont bien mis à part quelques ampoules et échauffements mais cela ne
m’empêche pas de monter, courir ou simplement marcher. D’un point de vue
mental, tout va bien, je suis très positif, nous progressons bien.
Nous faisons une pause au sommet
et profitons de cette nuit douce avec une vue imprenable sur Cauterets.
J’explique à Nico ce que nous allons découvrir dans la descente car j’en ai
fait la reconnaissance quelques semaines avant. Il s’agit d’une longue descente
peu large en lacet, peu technique, peu pentue et agrémentée de petits cours d’eau
à franchir. Cela devrait bien se passer même si je sais que Nico n’aime pas ces
portions où l’on n’a pas beaucoup de place pour poser ses pieds.
Nous l’attaquons en courant, j’ai
un sentiment de facilité à ce moment là, je m’amuse énormément, je suis facile.
Nous rattrapons un nombre de concurrents en train de marcher ou simplement en
train de courir nettement moins vite que nous. La descente passe donc vite et
nous arrivons bientôt à la Ferme Igau synonyme du 100 ème km parcouru. Je dis à
Nico que cela s’arrose, c’est la première fois qu’il franchit ce cap symbolique
en trail ! Je ressens pourtant chez lui une fatigue plus marquée
maintenant, peut être ai-je mis la barre un peu haute d’un point de vue du
rythme dans cette descente. Avec du recul, j’en suis sûr, je le paierai à mon
tour plus tard. Nous sommes maintenant à Cauterets, sur l’enrobé. La ville est
calme, nous suivons les balises qui nous mènent rapidement en plein centre
ville où une grande tente est installée. Un ravitaillement sans âme où nous
essayons de refaire le plein d’énergie. Nico est bien fatigué, l’envie de
dormir est bien présente mais il fait face. Nous ne croiserons pas notre
assistance, nous sommes en avance d’1h30 sur nos prévisions ! Nous
pointons à la 121 ème position, il est 5h25 du matin. Seulement 205 concurrents
restent en course.
Après un ravitaillement peu
réconfortant et une pause technique, nous attaquons la montée vers le col de
Riou. Je la connais bien, je l’ai faite à plusieurs reprises, c’est facile
quand on est en pleine possession de ses moyens. En tirant un peu, j’ai même
réussi à l’entrainement à courir tout du long, mais aujourd’hui, cela sera
différent bien entendu. Nous quittons Cauterets et attaquons la montée en
direction de la Reine Hortense (un restaurant typique) par une piste large qui
permet aux voitures d’y monter. Nous pensons forcément aux copains qui sont
venus en « « stage » chez Fab il y a peu de temps et qui sont
venus manger ensemble dans ce restaurant avec une vue sublime sur Cauterets.
Nous attaquons après quelques km
un petit single synonyme d’une approche dans un milieu plus naturel. Les
marques du GR10 jalonnent le parcours. Nous croisons quelques coureurs couchés
dans l’herbe. Nico en a envie d’en faire
autant mais je le décide à poursuivre la route et en lui disant que l’on pourra
dormir à Aulian où nous devrions croiser notre assistance. Il lutte de plus en
plus, il s’endort tout en marchant mais comme le chemin n’est pas technique
nous poursuivons. Nous croisons sur le chemin des bêtes en pâturage et bientôt,
nous apercevons les lignes électriques dressése sur cette montagne qui nous
montrent la direction du sommet. Nous éteignons nos frontales, le jour se lève.
Nous progressons lentement mais de manière régulière et quelques lacets plus tard
nous arrivons au col de Riou. Km 110.
Un peu plus bas le ravitaillement
et la possibilité de dormir. Nous devrions aussi y retrouver notre assistance.
Après une très courte pause au sommet, nous attaquons la descente en courant
prudemment car nous sommes constamment en train de changer de petit single,
nous coupons tout un flanc de montagne en devers. Avec la fatigue, qu’est ce
que cela est désagréable ! Mais bientôt, heureusement, nous rejoignons une
large piste de ski qui nous permet de courir en toute décontraction sans risque
de blessure et sans souffrir de trop. Pour moi les articulations au niveau des
chevilles commencent à me travailler physiquement et mentalement ainsi que mes
mollets. J’ai l’impression qu’elles manquent de plus en plus de souplesse !
Nous apercevons plus bas notre assistance, ça fait un bien fou ! Nous
discutons un peu avec eux et allons tous ensemble au ravitaillement quelques
centaines de mètres plus bas. Fred m’accompagne quelques centaines de mètres en
courant. Il est 8h41. Cela fait plus de 27h41 que nous sommes en course. Notre
classement est sous le top 100, à la 98 ème place exactement. Quelle
nuit !
Nous nous ravitaillons, je
m’aperçois qu’il y a de moins en moins de monde dans ces ravitos ! Les
écarts entre athlètes sont de plus en plus importants et les abandons
accentuent cette impression. Nico décide d’aller dormir un petit quart d’heure
dans des lits pliables type militaire dans une pièce un peu à l’écart, aménagée
à cet effet. J’en ferai autant même si pour le moment, je n’en ressens pas
vraiment le besoin. J’enlève mes chaussures et me couche tel quel en prenant
soin de mettre une couverture sur moi. J’ai du mal à trouver une position pour
m’assoupir, les échauffements que j’ai aux pieds me font souffrir. Quinze minutes
plus tard, Fred vient me réveiller et Céline en fait de même avec Nico. Cette
pause, si courte soit elle nous a fait le plus grand bien. A y réfléchir
maintenant, on aurait dû s’arrêter avant. Cela nous servira d’expérience. Nous
préparons nos affaires avec notre assistance, je bois un café et c’est reparti
pour la descente jusqu’à Luz saint Sauveur, la deuxième base de vie. Au
programme 9 km et 1050 m de dénivelé négatif.
Nous repartons sous les
encouragements de notre assistance. Nous attaquons par des escaliers puis un
peu de route entrecoupée de chemins. 2 km plus tard, nous sommes entièrement
sur un chemin plutôt agréable et pas trop technique. Nous doublons à nouveau
pas mal de concurrents. Quelques temps plus tard, nous arrivons à Grust puis à Sazos.
Nico me dit qu’il lui semble que Thierry possède une maison dans ce petit
village. Que c’est beau ici ! Nous traversons des petites rues pavés,
certains habitants nous encouragent. Peu
après, nous rattrapons la route, nous nous forçons à courir. Nous croisons pas
mal de cyclistes en train de grimper, certains ont un très beau rythme. A force de progresser, nous arrivons enfin à
la 2 ème base de vie à Luz St Sauveur KM 121. Nous sommes 109 ème et le soleil
est maintenant bien présent. J’en profite pour prendre un rendez-vous chez le
podologue mais il n’y en a qu’un. Heureusement, le peu de coureur étant en même
temps que nous à ce ravitaillement fait que l’attente n’est pas trop longue.
J’en profite pour enlever mes chaussures, mes chaussettes et me laver les
jambes et les pieds au jet installé dehors.
En 2013, je n’étais pas reparti
de cette base de vie, ou plutôt si, mais en bus. Cette année, je suis encore
debout, je souffre certes au niveau des chevilles mais musculairement et
mentalement je suis prêt à affronter le dernier marathon ! Quel
pied !
Me voilà donc assis sur une
chaise entrain d’attendre et une pompier me fait signe de m’approcher. Je
comprends à ce moment là que c’est elle qui va me soigner. Elle me perce des
ampoules qui se sont reformées sur mon petit doigt et m’injecte de l’éosine. Ca
pique !!!! Puis elle me refait certains straps. Je m’aperçois aussitôt que
son travail n’est pas qualitatif, ça colle à peine, il y a des boursouflures.
En arrivant auprès de Fred, je lui montre ce qu’elle m’a fait, je râle !
Elle constate la même chose que moi.
Elle me conseille d’y retourner, ce que je fais en interpellant le
véritable podologue qui comprend vite le problème ! Il retravaille donc
certains straps et me souhaite bonne course. Heureusement, j’ai de la Nok car
il ne m’en met pas ! Je m’en blinde les pieds et les chaussettes et je
remets mes chaussures. Fred s’occupe de m’apporter à manger et de me masser les
cuisses avec une huile de massage à l’arnica. Ça fait un bien fou !
Pourtant après 1h15 minutes de
pause c’est l’heure de repartir pour une portion que l’on sait qui ne va pas
être simple. 13 km pour 1000 D+ 170 D-. Nous repartons sous le soleil à la 116
ème place, il n’y a plus que 168 coureurs en course. Nous sommes maintenant sur
le trottoir le long de la route en direction de Tournaboup. Qu’est ce que c’est
désagréable ce défilé de voiture, le bruit, les gaz d’échappement, qui monte au Tourmalet alors que l’on vient
de passer notre temps en montagne, au calme. En marchant, un peu plus loin,
nous reconnaissons Hélène ! Elle progresse pourtant moins vite que nous
entre chaque portion mais comme elle ne s’arrête que très peu elle est au même
niveau que nous au km 122 ! Quelle force de caractère ! Nous
discutons un peu et continuons notre chemin sur des portions très raides mais
peu techniques. La chaleur commence à me « taper de plus en plus sur le
système ». Nous arrivons un peu plus loin à Betpouey où nous croisons
rapidement notre assistance. Nous nous ferons doubler par un athlète peu après
qui nous mettra 3h dans le cornet au temps final. Nous continuons à progresser,
je me mets dans les pieds de Nico qui mène un bon rythme dans ces portions
vraiment raides. Je m’accroche. La fatigue m’envahit peu à peu, ma barre
d’énergie commence à diminuer sérieusement mais le mental est toujours là. Nous
apercevons au passage que la station de Barèges est en train de remplacer son
fameux vieux télésiège deux places qui faisaient tellement peur et tellement
mal aux fesses quand on se ratait lors du départ. Que de souvenirs !
Nous arrivons maintenant à
Tounaboup au km 134, ce ravitaillement est plus animé car on croise aussi les
coureurs du 80 km. Je suis un peu déconnecté, je me laisse guider par Nico et
notre assistance. Après un ravitaillement bruyant où j’ai essayé de reprendre
des forces, nous repartons en remerciant notre assistance. Il est 15H, nous
sommes 112 ème. Cette section comprendra 17 km, 1120m D+ et 550m D-.
Nous repartons donc en marchant
sur cette partie roulante, mais je sais que cela ne va pas durer. Yoyo en 2013
m’avait décrit qu’il avait vécu un enfer sur cette portion et même si nous ne
passons pas exactement au même endroit, nous allons tout de même emprunter le
massif du Néouvielle et les 10 premiers km seront identiques. Après ce premier
km plutôt simple où nous croisons certains randonneurs en week end ou en
vacances, nous arrivons dans le vif du sujet. Il n’y a plus de chemin à
proprement dit, nous marchons de cailloux en cailloux en devant lever la tête à
cause du dénivelé positif qui nous est imposé. Avec la fatigue, la progression
devient vraiment de plus en plus difficile, l’équilibre est difficile à trouver
et nous nous conseillons avec Nico de faire bien attention à nos appuis. Cela
serait tellement bête de se tordre une cheville maintenant. Pourtant le risque
est bien présent ! Je ne sais plus si le fait de marcher avec mes bâtons
m’aide ou m’handicape sur cette portion technique. Mais bon, comme je les ai
dans la main…..Pas après pas, nous avançons, mais que c’est difficile de
progresser dans cette jungle de rochers. Nous râlons de plus en plus sur le
choix de l’itinéraire par les organisateurs. La seule chose qui nous motive est
d’en faire le plus possible dans ce mer…r avant la tombée de la nuit. De jour,
ce n’est pas simple mais de nuit, je n’imagine même pas. Pourtant la luminosité
baisse de plus en plus. Enfin le soleil nous brûle un peu moins. Cela nous
réconforte un peu. Nous arrivons à peine à nous repérer sur le road book, tout
se ressemble, que c’est pénible ! En fait, nous ne nous en rendons pas
compte, mais nous progressons si lentement que nous ne devons pas dépasser le 2 km/h parfois. Les
« marches » que nous proposent les roches à gravir sont de plus en plus
hautes. Pourtant, après de nombreux efforts nous arrivons à la cabane d’Aygues
Cluses au 140 ème km. Un oasis au milieu du chaos. Nous nous asseyons sur les
deux chaises pliantes que nous propose ce mini ravito et nous essayons de
manger un peu de salé, un peu de sucré. Nous refaisons le plein en eau et nous
nous renseignons sur la suite du parcours. La fin devrait être un peu plus
facile jusqu’au sommet de la Hourquette de Nère qui nous offrira tout de même
un bon raidillon. Je pense surtout que le bénévole n’a pas voulu nous saper le
moral et je l’en remercie.
Après une quinzaine de minutes,
nous remercions toute l’équipe et repartons en direction de la Houquette 2 km
plus loin et 300 m plus haut. En temps normal, cela devrait être une formalité,
mais à ce moment là, c’est la galère. Nous nous accrochons, pas après pas,
mètre après mètre ! Cette portion n’est pas aussi simple que l’on nous l’a
décrite mais nous arrivons tout de même au pied de la Hourquette. Nous levons
la tête et voyons le sommet. Là-haut ??? Ouuucccchhhhh. De toute façon,
nous n’avons pas le choix, il faut relier le prochain ravitaillement. Nous
poussons de plus en plus fort sur nos bâtons, nous lâchons une énergie folle
mais à force d’efforts nous arrivons au sommet après une belle bataille contre
nous même. Altitude 2460m. Une sécurité est mise en place au sommet. Nous les
saluons, et attaquons la descente, 300 m de D-. Elle est pentue et certains
passages sont en dévers mais depuis le début, nous descendons bien et celle-là
ne fera pas exception. Nous repérons un grand lac devant nous en bas, je
soupçonne que c’est le lac de L’oule, mais en fait nous ne le saurons jamais.
Nous arrivons maintenant dans un environnement où j’ai l’impression d’être
perdu, ça monte, ça descend, impossible de se caler dans un rythme régulier.
Nous cherchons constamment notre route, cherchant le refuge de Bastan. Toutes
les dix minutes, on se dit qu’il est derrière ce petit raidillon et puis non.
Un peu comme si l’on cherchait un oasis au milieu du désert. Nous avançons mais
Nico progresse moins vite que moi dans cette portion. Il me dit de filer, qu’il
ne m’en voudrait pas ! N’importe quoi, on a dit qu’on le ferait ensemble
et même si l’un doit porter l’autre, on le fera ensemble. J’adapte donc un peu
mon allure et nous progressons jusqu’à rencontrer un groupe de jeunes en train
de passer une bonne soirée au bord d’un petit lac, barbecue, alcool et toile de
tente prêts pour la soirée. Par chance, l’un d’entre eux connaît la fin du
parcours jusqu’au refuge, par malchance, il annonce une montée très raide qui « va
piquer un peu ». Sa moue ne m’annonce rien de bon Je sens un peu la colère
m’envahir à ce moment là. Pourquoi compliquer à ce point ce parcours à ce
moment là de la course ??? Je me sers un peu de ce moment d’énervement
relatif pour passer cette énergie dans mes pas. Nous devons maintenant mettre
les mains pour nous agripper aux rochers, les « marches » sont
tellement hautes que cela nous fait souffrir car la souplesse n’est plus
présente dans nos hanches et dans nos muscles depuis bien longtemps. Après une
très très grosses galère nous croisons un bénévole et je lui demande où nous en
sommes. Il me dit en rigolant que nous sommes sur le GRP et que nous sommes sur
la bonne route ! Il a dû repérer que j’avais une tête de déterré et que sa
pointe d’humour nous ferait le plus grand bien. C’est vrai ! Il nous
indique que le refuge est juste là à un petit km et qu’ensuite il faudra
compter une bonne heure pour rejoindre le ravitaillement en tenant compte de la
fatigue. Je lui indique que le tracé est limite sur le dernier passage, il me
dit qu’il l’a remarqué, qu’il en fera la remarque. Nous le remercions et peu de temps après nous
voilà enfin au refuge de Bastan, yyyeeessssss. Je sais maintenant où l’on est. Plus que 3 km et à nous le ravito !!!
Peu de temps après, nous
allumerons nos frontales. A ce moment là, je basculerai physiquement et
mentalement dans le minimaliste. J’aurai des hallucinations et Nico,
s’apercevant de mon état me guidera de ses pas. Il mènera le rythme. Nous
sommes doublés par les personnes inscrites sur le 80 km, ça me soule. Ils nous
doublent à une vitesse !!!! C’est dur mentalement mais je me raccroche à
notre course, notre objectif, nous y sommes presque. Quelques temps après je
devine le ravitaillement, nous sommes tellement heureux. Km 150, 40h40 de course, il est 21h40. Nous
sommes 115 ème. Nous avons mis presque 6 h pour boucler cette portion, c’est
énorme !
Nous rentrons au chaud, je me
pose et un bénévole me repérant m’apporte à manger, à boire, il est aux petits
soins, c’est adorable. Nico me ravitaille aussi, et me conseille de me couvrir,
j’ai froid. Il m’aidera presque à m’habiller, tout du moins à choisir ce que je
devrais mettre. Quel passage à vide ! Je ne le remercierais jamais assez
de m’avoir aidé, j’avais à peine la lucidité pour m’en rendre compte. Je
reconnais tout de même la podologue qui m’avait soigné à Pierrefite et je vais
la remercier. Je croise aussi Mathieu inscrit sur le 80 km qui me dit que le
parcours était très coton aussi pour eux. Après de longues minutes, me voilà
enfin prêt à repartir avec un peu d’énergie retrouvée et nous quittons le
ravitaillement pour la dernière section de cette aventure. 13 km, 200 D+, 1400
D-.
La petite montée se passe bien,
nous discutons et attendons la descente, la dernière, avec impatience. Le col
du Portet atteint, il ne nous reste plus qu’à « descendre à Vielle
Aure ». Nous attaquons cette descente plutôt confiants. Pourtant, les
articulations me font mal, cette portions manquent d’âme, il y a trop de pente,
c’est trop large, il y a trop de monde, c’est trop, tout simplement. J’ai de
plus en plus de mal pour passer au-delà de la douleur articulaire que me
diffuse mes chevilles. Mais nous nous accrochons, je suis obligé de marcher
vite dans des endroits où normalement je devrais courir. Mais où est la
normalité après ses nombreux kilomètres parcourus. Le problème, c’est que je
n’ai plus la lucidité pour en juger. Seul m’intéresse la finish line, la
franchir avec Nico.
Nous arrivons à Espiaube, Km 155,
notre assistance est venue nous voir avant l’arrivée. Ma mère sur le bord de la
route ne me reconnait même pas dans le noir. Je lui fais signe. Fred et Céline
s’occupent de nous et jugent que nous sommes en grande difficulté, c’est vrai.
Nico un peu moins que moi. Elles nous proposent de dormir dans la voiture, nous
acceptons mais 10 minutes pas plus. Je dis à Fred que je m’en veux, que je ne
suis plus capable de courir sur ces portions simples. Elle me rassure en me
disant de marcher que maintenant l’essentiel est de finir. Que c’est difficile
à accepter mais je n’ai pas le choix. J’ai le sentiment à ce moment là de ne
plus être compétiteur, quelle sensation étrange.
Après nous être allongés 10
minutes dans la voiture, ma mère inquiète vient aux nouvelles. Elle me propose
à manger, à boire. Je refuse tout en bloc, je veux juste repartir et franchir
la ligne, je suis décidé. Je vois ses yeux briller d’inquiétude. Nous repartons
avec Nico et nous arrivons même à progresser relativement rapidement. Je marche
vite, pendant qu’il trottine derrière moi. Pas après pas, je sens l’émotion
m’envahir. Je distingue les lumières de Vignec, nous croisons les granges de
Liais que nous avons laissé il y a 44h. Encore quelques efforts et enfin nous
rentrons dans Vignec, sur cette petite route. Quelques centaines de mètre plus
tard nous voilà sur le plat, des personnes nous disent que c’est fini, ils nous
encouragent, nous applaudissent. Que c’est fort ! Quelles émotions !
Je pleure comme un gosse, je dis à Nico que je savais que l’on pouvait le faire !
Je le répète encore et encore. Nous profitons de ce moment, s’enlaçant tout en
courant vers la ligne.
Nous arrivons finalement à Veille
Aure, nos compagnes et mes parents sont là, on s’arrête, c’est simplement
énorme comme sensations. Je suis si fier de moi et de Nico. Je suis si heureux
de ces moments de partage avec mon compagnon d’échappée, avec mes parents avec
Fred et Céline. Je ne les remercierais jamais assez pour ce qu’ils ont fait
pour nous. Ils ont été un pilier de notre réussite. Quelle générosité. Je
n’arrête pas de pleurer. Put…n, on l’a fait !
Nous franchissons la ligne main
dans la main sous l’annonce discrète du speaker qui repère que nous sommes
triathlètes Royannais et que c’est un sacré défi pour nous. On nous donne notre
T shirt, la médaille. J’embrasse Fred, mes parents, Nico et je vais m’assoir
quelques temps après sur la fontaine au milieu de la place du village à côté de
l’arrivée pour essayer de me rendre compte ce que je viens de réaliser. De ce
que nous venons de réaliser, de vivre !
Quelques temps après, j’aurai
Yoyo au téléphone, si fier de lui annoncer, qu’enfin, j’ai mon titre de
finisher sur Ultra après mon abandon en 2013. C’est trop bon, tout simplement.
Il y a tellement d’émotions dans nos voix. J’aurais voulu qu’il soit là pour
vivre ce moment avec moi, avec nous, mais je sais qu’il l’a été mentalement
pendant plus de 44H.
Il est 1h27. Nous sommes 127 ème sur 168
finishers. Nous venons de parcourir 160 Km avec plus ou moins 10 000 m de
D+/D-.
CONCLUSION:
Je me rappellerai toute ma vie de
cette aventure et je pense à l’heure où j’écris ces mots que ce ne sera pas la
dernière alors…………………
Weeennnnnnngggggggaaaaaaaa !!!!!!!.
PS : j’ai réalisé une petite
vidéo de cette aventure sur You tube.
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